La Question de Catlin
by สุกัญญา หาญตระกูลde Sukanya Hantrakul
Traduit du thaï par Gérard Fouquet
Si le vieillard avait été encore vivant, il aurait pu étendre la main et lui caresser la tête pour la consoler. Lui dire de ne pas pleurer, pauvre Catlina. Qu’il n’y avait rien à regretter. Que même sous un toit ravagé par le feu, l’homme errant savait remercier ce toit de l’abri qu’il lui avait fourni. Prendre soin d’un vieillard malade comme lui n’était pas tâche facile et si quelqu’un devait se sentir coupable, c’était lui, Yuri, qui s’était comporté comme un gamin mal élevé et égoïste.
Le récit
Alors qu’elle étudiait en France vers la fin des années soixante-dix, une jeune Thaïlandaise a fait la connaissance de Yuri et de Catlin. Lui avait fui l’Ukraine soviétique à la fin de la Seconde Guerre mondiale et elle la Hongrie communiste pendant la guerre froide ; ils vivaient alors en Australie mais revenaient régulièrement passer leurs étés à Paris où ils s’étaient rencontrés et mariés. Très vite, entre la jeune fille et le vieux couple se sont développés des liens très étroits, quasi filiaux.
Huit brefs récits, centrés sur les derniers jours de Yuri et de Catlin, relatent ce que fut cette amitié, ce que la jeune femme a vécu ou connu des épreuves qu’ils ont traversées, et la leçon de vie qu’ils lui ont transmise. Une leçon façonnée par les événements tragiques qui ont déchiré l’Europe du xxᵉ siècle et qui résonne de façon prégnante dans le monde d’aujourd’hui.
L’auteure
Née en 1953, Sukanya Hantrakul a passé son enfance à Phayao, dans le nord de la Thaïlande. Après des études secondaires et universitaires à Bangkok, elle a obtenu une bourse du gouvernement français et a étudié la littérature comparée et la sémiotique en France de 1974 à 1980.
Auteure de nouvelles ainsi que de livres à caractère non fictionnel dont plusieurs ont été primés, Sukanya Hantrakul est également journaliste et critique littéraire engagée. Elle s’est aussi impliquée très tôt dans la défense des droits des femmes. Par ailleurs, entre 1985 et 1991, elle a été rédactrice-en-chef adjointe de la revue Satreesan.
Cette revue hebdomadaire, publiée de 1948 à 1996 et destinée principalement à un public féminin, proposait un contenu varié de qualité dans des domaines aussi divers que l’actualité, les loisirs, la famille, la santé et la culture. Elle a joué un rôle marquant dans le développement de la littérature thaïlandaise de la seconde moitié du xxe siècle en publiant en feuilleton les œuvres pionnières de plusieurs femmes écrivain telles que Botan ou Krisna Asokesin lesquelles, tout en restant à la portée d’un grand public, mettaient au centre de leurs intrigues des personnages féminins forts luttant pour leur indépendance et leur dignité.
Sukanya Hantrakul travaille actuellement à un nouveau livre consacré à la région dont elle est originaire : le nord de la Thaïlande, jadis royaume du Lanna.
La genèse du recueil
Les huit récits qui constituent le recueil ont été écrits en trois temps, sur une période de presque quarante ans.
Le premier d’entre eux, L’Ange gardien de Yuri, fut écrit en 1985 et publié la même année dans Satreesan. La fondatrice et rédactrice-en-chef de la revue demanda alors à Sukanya si elle pouvait lui proposer d’autres récits dans la même veine et c’est ainsi que naquirent Le Retour à la maison, Juste une tasse de thé, Chambre à part et La Question de Catlin, tous publiés dans Satreesan en 1986.
Ensuite, en 1997, Sukanya Hantrakul est revenue une première fois à l’histoire de Catlin et de Yuri avec Mon diadia bien-aimé et Les Dernières Volontés de Yuri, deux nouvelles qui restèrent toutefois impubliées. Enfin, en 2022, sous le choc de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elle écrivit Le Testament de Catlin — un dernier récit dans lequel la dimension autobiographique de la narration se fait le plus sentir.
C’est alors qu’elle décida de réunir l’ensemble de ces récits en un recueil possédant une architecture spécifique, sans rapport avec l’ordre dans lequel ils avaient été rédigés. Elle conserva toutefois intacts la forme et le contenu des nouvelles originales, laissant ainsi le lecteur libre d’aborder chaque récit indépendamment ou selon la progression qu’elle avait soigneusement pensée. Le recueil a été publié par Silkworm Books dès 2023.
Le traducteur
Gérard Fouquet vit en Thaïlande depuis 1979. Auteur d’une thèse de troisième cycle consacré au cinéma thaï des années 1970 à 1988, il a longtemps enseigné le français, la traduction et le cinéma à l’université Thammasat puis au Collège international de l’université Mahidol à Bangkok. Il a traduit Fils de l’I-sân (Luk Isan) de Kampoon Boontawee (1991, en collaboration), ainsi que quelques poèmes et nouvelles publiés dans diverses revues ou anthologies. Il a aussi réalisé les sous-titres français de nombreux films thaïlandais. Dans le cadre de ses activités universitaires, il a par ailleurs publié un article sur La traduction en équipe du thaï vers le français (1994) et dressé un Inventaire des œuvres littéraires thaïes traduites en français (2017).
Depuis sa retraite, il continue de traduire pour son plaisir sans pour autant chercher à publier.
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